L'histoire de la famille PastrÈ et son Èvolution au cours des siËcles ont pour thÈatre plusieurs paroisses: Lavilledieu, le hameau de Baissac plus prÈcisÈment, St Germain de 1677 ý nos jours, VogÅÈ, Villeneuve de Berg, Sauveplantade plus Èpisodiquement pour ces derniers et plus particuliËrement le hameau des Chazes. Le terroir de St Germain n'entrera en jeu qu'en 1677, annÈe o˜ Gaspard PastrÈ Èpouse Marie Chazes et avec elle une des plus belle propriÈtÈs de la paroisse de St Germain. C'est le hameau de Baissac qui est le berceau de la famille PastrÈ; "Bayssac", "Beyssac" selon la fantaisie du greffier, procureur ou notaire, situÈ ý quelques centaines de mËtres de La Villedieu. (Paysans de Vivarais, AndrÈ Chambon) |
TÈmoins : Michel Vigere, Anthoine Ganivet |
Si la pÈriode de 1680 ý 1720 fut ý l'Èchelon national une pÈriode de calamitÈs atmosphÈriques, de disette et voire de famine, les consÈquences semblent Ítre minimes aux Chazes et dans le Bas-Vivarais. MÍme les annÈes catastrophiques de 1693, de 1708 et 1709 qui ont ruinÈ l'olivette languedocienne (Aubenas est le point maximum de latitude-nord o˜ se rencontre l'olivier) n'ont pas eu de prise sur la production des Chazes. Les ponctions royales, seigneuriales et ecclÈsiastiques n'accusent aucun retard; «ý pa~È la poule.. . et la tourte... cens que nous sert... Ia rente que me doit“,» Ècrit le Marquis de VoguÈ. Paradoxe mÍme, en 1709, Antoine paie cens et rentes pour cinq annÈes d'avance aux Prieurs de VoguÈ, de SaintJulien du Serre, de Sauveplantade, et au Commandeur de JalËs, la «cotte» de son oncle Balthazar, la mÍme annÈe, deux ans d'avance au Seigneur de VoguÈ, au Comte d'Harcourt et au Sieur de Saint-Vincent. Cette pÈriode de phase B sans Ítre faste ne laisse apparaitre ni «arreirages» ni retard dans les redevances. Le domaine des Chazes possÈdait-il des ressources suffisantes pour faire face ý une ou deux annÈes mÈdiocres ? Aucun inventaire n'est venu nous Èclairer si ce n'est le paiement rÈgulier des charges qui pesaient sur les terres d'Antoine et surtout l'affaire Croze que nous verrons. La vie d'Antoine ý l'instar de ses ancÍtres va Ítre bien remplis: il sera le «Bon Mesnager» prÙnÈ par Olivier de Serres. 1713 - Il devient la personne la plus importante de sa paroisse, il est consul de Saint-Germain et c'est lui qui ý ce titre prÈlËvera la Capitation soit 73 livres. La guerre de Succession d'Espagne touche ý sa fin mais les tailles ne s'en allËgent pas pour autant. La mÍme annce «crñe, aides octroi, garnison» et tailles s'ÈlËvent pour la communautÈ de Saint-Germain ý «Trois cent vingt deux livres dix sols» collectÈes par notre homme qui commence ý faire ses armes de rentier en collectant les impÙts royaux, par lý o˜ terminent souvent les autres. 1714 il se voit confier la lourde t’che de rassembler sur la paroissÈ pas moins de «dus cans soixante livres» ý cause des frÈquentes rÈbellions qui se commettent dans le pays, rÈbellions oubliÈes par Yves Marie BercÈ et ý peine notÈes par Jean Antoine Poncer: derniers soubresauts de la RÈvolte des Camisards en Vivarais ? La mÍme annÈe, il collecte la Capitation qui subit une augmentation de 40 % par rapport ý 1713 soit «cent huit livres ouze sous dix deniers» non sans avoir au prÈalable retenu son droit de «levare» ! Notons que nous n'avons relevÈ aucune trace de la Guerre des Camisards, si ce n'est la prÈdication d'Abraham Mazel prÍchant au DÈsert ý Villeneuve de Berg o˜ Ètait amenÈ par sa mËre le futur pasteur et rÈformateur Antoine Court. Entre temps en 1711, son domaine devenu trop grand, Antoine afferme une partie de sa propriÈtÈ de Baissac ý Louis DuprÈ qui paie «cens et rente» ý Madame de La Villedieu qui signe de sa belle plume «Duroure Abbesse» et l'autre ý AndrÈ Ganivet qui paie lui aussi redevance au couvent «attendu qu'il set chargÈ de la moitiÈ». Le bail cesse en 1728: En effet Antoine continue ý partir de cette date ý payer les charges jusqu'ý sa mort survenue en 1751. La Rente ne paierait-elle plus ou les deux «preneurs» n'avaient-ils pas observÈ scrupuleusement les clauses du bail imposÈes par le sourcilleux maitre des Chazes ? L'aube du XVIIIe siËcle a souri ý notre homme et les alÈas des mauvaises annÈes lui sont favorables. Antoine reÁoit en 1708 l'engagement de Jean Croze de Saint-Germain de lui payer la somme de 741 livres qu'il lui avait prÍtÈe en 1698. Croze ne pouvant s'acquitter doit «lui bailler de son grÈ» ! un demi-prÈ dont il jouira du revenu s'il ne peut lui payer «lintÈrÍt de la somme dñe». Cet engagement n'est autre qu'une vente camouflÈe, en effet Croze ne pourra pas payer: 1706 Jean Croze doit ý Louis Rey «mareschal ferant la somme de 60 livres» pour vente du «bled» que Rey lui a faite pour «ensemancer les terres». Les difficultÈs rencontrÈes par Jean Croze ne pouvaient que profiter au mÈnager Antoine PastrÈ, difficultÈs que les deux annÈes 1708-1709 ne feront qu'aggraver. Antoine a laissÈ la dette dormir pendant douze ans, et comme ý l'affñt, il fait enregistrer en 1710 l'engagement de son dÈbiteur aux abois engagement qui prend dans ce cas la forme d'une vente pure. Processus classique s'il en est ! 1712 il ne s'en tient pas lý, l'autre moitiÈ du prÈ va grossir la premiËre pour la modique somme de 130 livres «pour reste et entier payement». Il faut avouer que malgrÈ les procÈdÈs de style, Jean Croze n'a pu honorer sa dette de 1698 qui a eu le dÈnouement que l'on sait ! Le Gros a mangÈ le Petit «le pain a payÈ la terre» Antoine est loin de rester inactif; il semble animÈ d'une soif inextinguible de terres. Il achËte ý son cousin Jacques Chazes «une terre laborive» et un petit coin de prÈ au terroir de Peyrol «de contenance d'un carteron demy boisseau» pour la somme de cinquante livres. Mais nous reconnaissons au fil de l'acte de vente «d'achapt» le matois Antoine: en effet Jacques Chazes lui devait trente livres qui iront, nous l'avions devinÈ, en dÈduction des cinquante livres ! Le «Sieur» Antoine poursuit en 1713 l'agrandissement de son domaine. Le 28 dÈcembre Jeanne Chazes «filhe ý dÈfunt Gabriel Chazes, assistÈe en tant que de besoin», vend ý notre mÈnager une terre «laborive et herme» voisine de celle d'Antoine au terroir de Pereyrol, contenant pour la terre «deux carterons deux boisseaux», pour l'herme «un carteron un boysseau» pour le prix de «septante livres». Antoine est ý l'affñt, les difficultÈs de «Jehanne» s'aggravent puisqu'elle lui vend quelques mois plus tard «une terre laborive au terroir de La Boysse» de contenance «de trois carterons un boysseau» pour le prix de «cent trente livres», plus une terre au terroir appelÈ Champ Bresson de contenance d'un carteron un boisseau; coup du sort, les terres confrontent celles du dit PastrÈ, et ce pour soixante livres: il n'aura de cesse que la totalitÈ de la maigre et morcelÈe propriÈtÈ de Jeanne vienne s'ajouter ý son domaine. 1714 la litanie se poursuit, «une terre laborive plus une terre au terroir appelÈ Le Clap» sont acquises au prix de cent quarante cinq livres et comme le dit sans ironie, le contrat «une maison ou grange confronte du marin le dit PastrÈ pour cent huitante deux livres». Ce ne sont pas moins de cinq cent quatre vingt sept livres que doit payer Antoine. Le contrat nous rÈvËle enfin la raison de la tÈnacitÈ du maÓtre des Chazes; il ne paiera effectivement que quatre cents livres les autres 187 livres Ètaient comme par hasard dues ý notre homme. Ces terres n'en sont pas moins roturiËres et sous la directe et seigneurie de Monsieur le Comte de VoguÈ et «soubs les charges de tailhe et cense» Antoine en fera reconnaissance fÈodale ý ce mÍme seigneur, l'annÈe suivante. Les purifications de vente sont particuliËrement Èdifiantes sur le processus de ces achats successifs. Les obligations de 1698 ou de 1701 passaient au bout de neuf ans ventes pures puisque que ce soit Jean Croze ou Jeanne Chazes, ils ne peuvent se dÈpartir de leur obligation «pour n'estre pas en estat de rembourser» qui le prix du prÈ, qui celui de la terre. L'acquisition est consommÈe et rÈputÈe irrÈvocable pour la somme de 21 livres que le dit PastrÈ a «rÈellement payÈes». Antoine s'acquitte par la mÍme occasion des droits de lods ý Monsieur Rimbaud en lieu et place de Monsieur le Comte de VoguÈ. Ces deux exemples illustrent parfaitement la longue phase de concentration fonciËre dont traite Emmanuel Leroy Ladurie. Cette aviditÈ contraste avec la mauvaise foi Èvidente avec laquelle Antoine paie les reliquats de dot de ses s¦urs et particuliËrement de Jeanne. Jean Debanne son beau-frËre de VoguÈ reÁoit enfin les «71 livres 17 sols 6 deniers» de la dot de sa femme. Pas moins de neuf ans s'Ètaient ÈcoulÈs entre le contrat et le solde du versement ! I1 est vrai que si notre homme nous parait trËs dur et ’pre au gain, l'Èpoque et les rentiers du sol ne l'Ètaient pas moins pour lui. 1715, le Grand Roi meurt, la noblesse matÈe et domestiquÈe reprend ses droits et sa pression s'exerce sur les dÈpendants. Les reconnaissances fÈodales sont mises jour et renouvelÈes pour rappeler aux tenanciers la rÈalitÈ seigneuriale s'ils avaient pris d'aventure, quelques libertÈs avec elle. Antoine fait en 1715 reconnaissance fÈodale ý Noble Simon d'Ozil, seigneur de Saint-Vincent «PremiËrement une terre situÈe aux Ouchettes sous la censive d'un cyvardier froment et trois deniers» plus une terre situÈe au dit terroir sous la censive de «demy cyvardier froment» plus deux terres hermes, plus «autre terre situÈe au terroir des AnguËdes sous la censive les dites trois piËces d'une pognaidËre de froment», plus une «maison et curtilhage», plus une terre au terroir des Arlots sous la censive de trois boisseaux et «demy», plus un jardin sous la censive de la dix huitiËme partie d'un civardier (pas moins) ! plus une terre au terroir des Allardenches sous la censive de la «huitiËme partie et sixiËme partie d'un boisseau de froment». 1717 le 12 du mois de dÈcembre, il fait reconnaissance fÈodale ý Monsieur le Comte de VoguÈ pour une vigne situÈe au terroir des bois des «fa~sses», plus une «terre situÈe au terroir des Vignasses», plus une terre situÈe au terroir des Grads. Pas moins de sept terres, une vigne et un prÈ. Le mÍme jour, nouvelle reconnaissance du Prieur de VoguÈ pour une terre situÈe au terroir des «Faysses». Soit dix terres ÈnumÈrÈes. Madame de La Villedieu, l'abbesse des BÈnÈdictines n'avait pas ÈtÈ en reste dans la rÈaction nobiliaire puisque le 24 mars 1713, Antoine fait ý Aubenas reconnaissance fÈodale. Elle nous renseigne scrupuleusement sur les terres d'Antoine ý Baissac: sept terres «laborives», deux vignes, trois prÈs, une grange, deux bois de chÍnes blancs et sur leur contenu et production, le tout sous «la censive de deux boisseaux froment et deux pognadiËres». Il en est ainsi sans exception des autres seigneurs qui affirment leur prÈtention et resserrent l'Ètreinte de leurs redevances sur leurs tenanciers. La rente qu'ils perÁoivent se paie comme il s'entend en froment et rarement en espËces. Il est bon de pouvoir dÈverses sur le marchÈ ses excÈdents au moment de la soudure ! Comme si cela ne suffisait pas ý apaiser sa boulimie de terre, Antoine acquiert en 1717, en commun avec d'autres mÈnagers des Chazes, dont Bonnitel, Labro, Jacques Chazes, Jean Raoux, un devois d'un habitant de Sauveplantade pour la somme <<pour sa part de soixante livres». Ils en acquittent la somme de 50 livres pour les droits de lods au Comte de VoguÈ. Les gros propriÈtaires des Chazes ont patiemment et inexorablement dÈpouillÈ les petits. Emmanuel Leroy Ladurie intitule un de ses chapitres de «LES PAYSANS DU LANGUEDOC»: la terre ne paie plus. Et ce phÈnomËne s'est hÈlas confirmÈ en Bas-Vivarais. Les mauvaises rÈcoltes successives ont provoquÈ l'endettement des plus petits qui, par le biais des avances sur semences, de prÍts pour la soudure, se sont trouvÈs incapables de faire face ý leurs obligations: ce sont leurs terres qui ont fait les frais de leur misËre. Il ne leur restait plus qu'ý servir en qualitÈ de manouvrier sur la terre de leurs ancÍtres ! Si le morcellement avait contribuÈ ý la disparition de la petite propriÈtÈ, la grande, par contre opËre avant la lettre un remembrement qui facilitera l'exploitation et la rentabilitÈ des terres. En 1725 Jacques Chazes et Antoine PastrÈ procËdent ý des Èchanges. Jacques lui baÓlle une terre «au terroir de Penchenier de contenance de deux ceterÈes, un boysseau» et moyennant 250 livres Antoine en contre «exchange», lui remet une terre au terroir de «Vignan» de contenance de deux «carterons deux boysseaux» et la somme de 150 livres. Les terres Ètaient d'inÈgale valeur, Antoine s'acquitte de la diffÈrence. Le 27 mai il verse ý Monsieur le Comte de VoguÈ la somme de 33 livres: 18 livres en argent et les 15 restantes «pour la valeur de 7 cha~nes de bois» de droit de lods. Antoine avait ÈpousÈ en 1700 Marie Loyrion de La Villedieu, il en eut 7 enfants vivants: nous notons entre Catherine et Anne une interruption de 7 ans, alors que leurs aÓnÈs s'Èchelonnent de trois ans en trois ans. Il marie l'aÓnÈe Marie ý Guillaume Gascon, un des gros propriÈtaires de Saint-Germain le 22 fÈvrier 1729. La dot Ètait importante puisqu'il s'acquitte en 1732 de 200 livres pour solde de la constitution de la dot. Jeanne sa cadette dut recevoir la mÍme somme puisque son beau-pËre Guillaume Fargier de Saint-Germain «tient quitte» Antoine PastrÈ aprÈs paiement de 200 livres en 1735. En effet les deux constitutions de dot s'Èlevaient ý pas moins de 1500 livres chacune ! Certes Antoine se fit tirer l'oreille et ne les paye qu'ý moyen terme; nÈanmoins ces sommes n'en sont que plus rÈvÈlatrices de l'aisance qui rËgne aux Chazes. Etienne, l'hÈritier du nom, nÈ en 1710, restera lui, dans l'ombre de son pËre. Il Èpouse en 1731 «Magdelaine» Villedieu: il en aura cinq enfants vivants, des intervalles entre les naissances nous permettent de penser que la mort a fait des ponctions chez les nouveaux-nÈs, tel le garÁon aÓnÈ Antoine comme son grand'pËre, nÈ le 18 janvier 1741 et mort en mars de la mÍme annÈe «d'une angine» a notÈ sur le registre paroissial le prÍtre. La derniËre Jeanne-Marie naÓt le 23 janvier 1751, la mÍme annÈe que la mort de son pËre et de son grand'pËre, le vieil Antoine. Pendant toute sa vie, Antoine tout comme ses ancÍtres s'est acquittÈ des «cens et rentes» qui pËsent sur ses anciennes terres et sur ses nouvelles terres. Les Seigneurs restent les mÍmes et deviennent pendant la pÈriode de 1715 ý 1751 particuliËrement pointilleux sur la rÈgularitÈ du paiement. Aussi le Comte de VoguÈ ne manquera pas de souligner ý chaque reÁu de quittance «a payÈ le cense... Ie rente... que me sert... que me donne... sauf la poule. 1723... sauf le volhalie. 1731 a payÈ (enfin !) la poule ou le collecteur du prieur de Saint-Julien du Serre «a pa~È» la tourte. Notre homme se libËre sans trop rechigner, et ý aucun moment les quittances n'accusent d'«arreirages». Devenu le personnage principal de la paroisse, il collecte toujours les impÙts royaux ainsi que la taille de la communautÈ de Saint-Germain qui s'ÈlËve en 1734 ý «deux cent vingt livres. La mÍme annÈe un reÁu timbrÈ, (le seul en notre possession), nous signale qu'il a «gabellÈ» au grenier ý sel de Villeneuve de Berg. Somme qui pourrait paraÓtre un peu et mÍme en nette baisse par rapport en 1713 ou 1714, si les comptes de recette de 1734 remis par Antoine au comptable «qui fait recette de la somme de 138 livres 2 sols 2 deniers» de taille imposÈe ý la paroisse Saint-Germain, ne laissaient apparaÓtre que le quittance signalÈe n'est qu'un acompte. La recette donne le dÈtail des «allocations faites» au greffier, au subdÈlÈguÈ, au dÈputÈ de la taxe. Combien de cette somme arrivait-il au Roi ? Relevons au passage qu'Antoine PastrÈ payait «de son faict» 39 livres, 14 sols, 8 deniers. Le 4 octobre 1751, Antoine s'Èteint, serein au milieu de la famille qu'il a dominÈe de sa forte personnalitÈ; pour n'Ítre pas en reste, en fils obÈissant, le 21 du mÍme mois Etienne meurt. Il laisse son Èpouse Madeleine Villedieu ý la tÍte d'une grande maison et nantie de cinq enfants et de pas mal de tracas; il a 41 ans ! |
Ces pages ont ÈtÈ crÈÈes par Oxy-gen version 1.37f, le 20/10/2007.